La dame au marquoir

... C'est ainsi que m'appellent les connaissances de mon amie Brigitte, la cheftaine de notre club de Ste Ode, du moins celles qui se souviennent avoir vu mon marquoir, en vrai ou en photo.

Le 23 mars 2006, je commençai à composer mon marquoir à l'aide du logiciel Super Point de Croix et de nombreux motifs de grilles en ma possession... La dernière aiguillée date d'avril de la même année. Ce marquoir a depuis été admiré par de nombreuses brodeuses de la Province du Luxembourg, notamment lors d'une exposition de mon club de point de croix à Sainte Ode l'hiver dernier. Ce marquoir, c'est moi, c'est ma vie. Il a donc sa place ici. Je vous l'offre. Pardon d'avoir quelque peu ménagé ma pudeur, j'ai effacé le nom de mon lieu de vie actuel ainsi que celui de mes enfants. Je suis sûre que vous comprendrez. Et si par hasard quelqu'un ou quelqu'une de mon ancienne vie me retrouve par le biais de cette photo, qu'il ou elle sache que je ne regrette rien, que j'ai pardonné ce qu'il y avait à pardonner et que je ne demande qu'à vivre enfin le moment présent en paix.

Trop de mauvais souvenirs dans ma vie que je n'avais pas envie de revivre par le biais de ce marquoir, d'où le choix de broder autour de cette phrase : "Chez moi, c'est là où mon coeur se trouve." Et là où mon coeur s'est senti mal, j'ai décidé de l'oublier, tout au moins sur cette toile.

En haut à gauche, les premiers souvenirs de ma vie, les plus doux : la vieille chienne au pelage d'or et le jardin enchanté. Mais lorsque j'eus trois ans, il fallut partir pour Bruxelles. Adieu chien, poules et autres volatiles. Nous nous retrouvâmes en appartement avec pour seul compagnon un canari, brodé sans cage puisqu'il est libre à présent. Mais heureusement peu de temps après mes grands-parents firent l'acquisition d'une maison de campagne et j'y ai passé la majorité de mes vacances : à nouveau un jardin embaumant de fleurs, les poules de la vieille voisine,... Je fis la connaissance de celui qui allait devenir mon mari dans une autre maison de campagne. Il avait un chien noir, copie conforme du premier chien de ma vie hormais la couleur. Et devant la maison, des écureuils avaient choisis quelques pins comme terrain de jeux. A Bruxelles, nous nous sommes mariés, deux enfants nous sont nés, d'où ce coeur duquel en découlent deux autres... A Bruxelles, mon mari est décédé.

C'était la première partie de ma vie, elle couvre la moitié supérieure de la toile.  Ensuite, il m'a fallu du temps avant de me sentir à nouveau "chez moi". Il y a sur cette toile un "trou" de près de trois ans.

Puis il y eut Houffalize, les chevreuils souvent rencontrés au détour d'une route, la découverte de ma passion pour le point de croix, un canari encore (et oui, sans cage lui aussi), notre chatte Spip, adoptée là-bas.

Faisans à foisons dans les champs, à nouveau un jardin fleuri et un nouvel amour. Le 1er juillet 2005 nous quittions Houffalize et changions à nouveau de vie les enfants et moi. Les anges les représentant ont été bien choisis : l'aîné aime se vautrer dans un fauteuil et lire, tandis que le cadet préfère observer à quatre pattes les insectes du jardin. Ce marquoir se termine enfin avec notre canari, Titeuf, bien vivant et dans sa cage celui-là. Il paraît qu'un canari en cage signifie "espoir" dans la symbolique des marquoirs. Quelle meilleure façon de terminer cet ouvrage?

Je le regarde souvent et j'y remarque des choses brodées inconsciemment, même le clair ou le sombre de certains motifs semble n'avoir pas été placé là par hasard. Et puis bien sûr, il regorge de messages que moi seule comprend... et c'est très bien ainsi.

Comments

[francoise isis]

C'est une belle histoire, félicitations pour votre courage, je suis en admiration devant tant de belles réalisations. Françoise de gouvy

[Ela]

Quel beau travail ! Que des émotions..Bisous.